MED-InA en Tunisie soutient Vitro/Indinya, une seconde vie pour les déchets en verre

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Lab'ess

Pourriez-vous vous présenter brièvement, ainsi que votre projet ?

Je m’appelle Simone, je suis Italien et vis en Tunisie depuis 11 ans. Je suis arrivé comme entrepreneur dans la production d’additifs de peinture en bâtiment et génie civile, pendant 8 ans avec ma première startup familiale. Puis j’ai travaillé comme responsable de production dans une grande entreprise, mais cela ne me plaisait pas, alors j’ai fini par lancer ma propre boîte : Indinya (« Dans la vie »), pour proposer des produits du quotidien. A la base, je pensais à des parfums, des savons, de petits objets décoratifs, mais cela manquait d’originalité à mon sens, alors ajouter une composante responsable (emballages écologiques, produits locaux, chaîne de valeur locale…) me semblait constituer quelque chose de différent et donc d’intéressant : une entreprise ou le « petit » serait la force. J’ai lancé la boîte en 2018, d’abord à temps partiel avec quelqu’un qui s’occupait du projet, parce que je travaillais encore à côté. En 2019 je me suis jeté à l’eau, et l’aventure a commencé, juste avant le coronavirus.

Un des soucis initiaux fut le manque d’emballages : étant sportif je sortais souvent en forêt, et j’y ai trouvé des bouteilles vides en verre jetées par des gens. Je me suis dit : voilà mes emballages, pas besoin de les importer de Chine, je vais les récupérer facilement en local ! J’ai donc commencé à ramasser ces bouteilles et à les transformer pour en faire mes emballages de savon, de bougies, de pots, puis la matière première d’objets décoratifs. Puis je me suis dit que je pouvais revenir à une ancienne idée : vu la quantité de verre qui existe, je peux le broyer pour en faire de la poudre et la transformer en peinture, comme on fait de la farine de marbre. J’ai commencé mes tests, j’ai développé un broyeur fait maison en regardant des tutoriels. J’ai donc commencé à produire cette farine de verre et le produit était satisfaisant, remplaçant très bien le sable avec l’avantage de donner un aspect décoratif. Cela remplace aussi les paillettes qui sont d’habitude importées d’Inde et de Chine, utilisées dans la peinture décorative.

Nouveau concept, donc lancement d’une nouvelle société du nom de Vitro : j’ai fait quelques tests, échantillons, expériences, retours avec clients que j’avais déjà dans le passé. Fin octobre 2021 j’ai vu l’appel de Lab’ess sur l’économie circulaire à La Marsa. Je me suis dit pourquoi pas participer : pré-sélection, sélection, et au bout du processus quand on m’a annoncé que j’avais gagné je n’y croyais pas ! J’étais super content, et cela me conforte dans la poursuite de l’aventure ! Je vais donc créer une petite structure pour la transformation du verre, car je suis dans un local beaucoup trop chargé.

La société Indinya a été créée par mon père et moi-même, et nous avons des collaborateurs qui travaillent sur le projet qui est en pleine croissance. Vitro est une nouvelle entité car Indinya est spécialisée dans la parfumerie et les cosmétiques, donc il semblait difficile en matière d’image de cumuler cela avec la production de peinture. Mon père n’a pas bien pris que je me lance dans le cosmétique après des années dans le bâtiment, mais il a fini par m’aider et je pense qu’il est content désormais (rires) !

Comment je trouve ma clientèle ? Je cherche dans mon ancien carnet de clients en les contactant personnellement : « je suis revenu dans le domaine, si vous avez besoin de ça on peut faire des tests. » J’ai une boutique physique à La Marsa aussi et une boutique en ligne, qui n’est pas très active cependant. Ma clientèle est plutôt professionnelle et non grand public car il est trop compliqué de toucher les gens un par un, donc je les touche indirectement via les professionnels, en créant un nom. Pour les cosmétiques par contre (Indinya), je vise le grand public aussi.

2.       Comment le bootcamp et l’accompagnement Lab’Ess vous ont-ils aidé(s) dans la préparation du jury de pitching ?

Avant le bootcamp je pensais que Vitro demeurerait en mode Indinya, mais après discussion pendant le coaching, je me suis dit que ça brouillerait les pistes, donc j’ai présenté le projet sous un autre nom, car nouveau concept et nouvelle aventure. La préparation fut très positive, elle m’a aidé à clarifier certains points importants dans le développement de Vitro.

4.       Comment le prix que vous avez gagné va-t-il aider votre projet, et quelles sont les prochaines étapes ?

Prochaine étape : acheter du matériel pour production et mise en emballage, améliorer le broyeur car le mien est rudimentaire. Acheter du matériel de stock pour démarrer le projet (additifs, entre autres choses qui coûtent un peu cher…). Je compte commencer bientôt, j’attends une foire ou une exposition pour pouvoir présenter le produit à grande échelle. Je vise des clients sur tout le territoire tunisien car mes clients y sont répartis. Je frappe à toutes les portes car je dois lancer l’article et le faire connaître, pour que le projet soit sur les rails.

Je n’ai pas encore de produit d’appel, mais je pense que ce sera le revêtement de sol avec des effets différents, qui peut marcher sur du sol comme sur des objets d’aménagement urbain comme des chaises, des bancs… Ce n’est pas 100% du verre récupéré car impossible techniquement, mais avec une moyenne de 60 à 80% de verre recyclé. Autres éléments dedans : j’ai une gamme de 3 niveaux d’écologie dans les peintures. Le plus facile c’est avec du ciment. Ensuite un peu plus compliqué, quelque chose qui se rapproche des enduits des Romains faits avec la chaux vive. Et enfin, les articles faits à partir de l’argile, totalement écologique, comme les maisons faites anciennement. Je ne sais pas si j’aurai des clients pour ça car c’est un peu compliqué. Je peux aussi commercialiser le verre brut, car son transport est facile, comme il est sous forme de poudre fine, pour la verrerie, pour les décorations de jardin…

Pour me fournir en matière première, je m’adresse à tous les lieux sociaux et/ou publics qui cherchent à se débarrasser de bouteilles en verre. Certains clients me les apportent directement. Comme il y a un potentiel de collaboration avec la municipalité de La Marsa, je compte demander l’installation de petits caissons dédiés à la récolte du verre, en choisissant des points stratégiques.

5.       Qu’attendez-vous de l’incubation Lab’Ess dont vous allez bénéficier ?

Acquérir de nouvelles connaissances dans le secteur du recyclage, des sociétés dans le même esprit, améliorer la façon de communiquer sur mon produit car actuellement je le fais de façon peu structurée. Mais c’est surtout le réseau de contacts, de nouveaux partenaires potentiels… Cela va également m’aider sur mes capacités de gestion !

6.       Comment voyez-vous votre contribution aux efforts vers moins de déchets et/ou une économie plus circulaire ?

            Je ne pense pas que je vais régler à moi tout seul le problème environnemental, car c’est toute une culture à changer et c’est difficile. Mais donner un exemple d’une société basée sur ce type de démarche, qui produit ses emballages à partir de produits recyclés, qui valorise un déchet en faisant une ressource… En tant que petite structure, je ne ramasse certes pas le plastique ou les autres ordures, seulement le verre, mais je pense que cela peut inspirer d’autres à en faire de même pour ces autres types de déchets, et les gens en général à adopter une nouvelle vision des choses concernant la collecte des déchets.

On pense aussi à faire de la sensibilisation sur la valorisation du verre, donc à terme notre activité ne serait pas que la production de peinture, mais également la collecte du verre et la sensibilisation. Ici en Tunisie il y a une chose positive concernant les déchets : c’est qu’on peut trouver un intérêt économique dans les poubelles, y compris pour de très petites structures voire des personnes physiques (à ce sujet, voir interview du lauréat tunisien « Debrasy », à paraître prochainement sur le site MED-InA). Ce, contrairement à l’Europe, où cela ne rapporterait pas assez pour en vivre, à cause du coût élevé de la vie. Si les gens y trouvent un intérêt économique, ils trieront/collecteront eux-mêmes !