Le projet MAIA-TAQA s’engage pour une transition énergétique durable en Méditerranée

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Courtesy from ECLIM

MAIA-TAQA est un projet d´innovation qui porte sur l´efficience énergétique et la promotion des énergies renouvelables en Méditerranée. Mais que signifie MAIA-TAQA ?

MAIA-TAQA : eau-énergie, secteurs clé pour la survie

Cet acronyme qui semble anodin aux oreilles des non-arabophones veut tout simplement dire eau-énergie en dialecte du Moyen-Orient. Quoi de plus important que de s´attaquer à ces deux secteurs, indispensables pour la survie des gens et plus particulièrement dans un pays tel que le Liban qui est plongé dans des crises sans précédent depuis 2019.

Mobiliser de Nouveaux Domaines d’Investissement et Améliorer Ensemble la Qualité de Vie de Tous

Tel est le titre du projet MAIA-TAQA, financé par l’Union européenne dans le cadre Programme IEV CTF MED, qui regroupe 8 partenaires de 6 pays méditerranéens. Lancé en septembre 2019, ce projet propose différentes solutions pour faire face aux différents obstacles qui empêchent le déploiement des énergies renouvelables. Il propose notamment un programme de renforcement des capacités pour pallier le manque de compétences ; un guichet d’innovation en raison du manque d´accès à l’information ; des lignes directrices faute de réglementation ; des aides économiques à cause du manque de financements et des événements Business to Business (B2B) ciblés en raison de la faible mise en réseau entre les entreprises.

Trois expériences pilotes ont été mises en place en Egypte, en Jordanie et au Liban abordant des angles différents de l´efficience énergétique.

En Égypte, l´équipement en panneaux solaires du marché de gros en fruits et légumes (El Amreya) à Alexandrie a été inauguré en février 2022. Ce marché est le premier à être entièrement alimenté par des panneaux solaires en Egypte.

En Jordanie, l´installation d´un système de refroidissement solaire thermique sur le bâtiment de la Chambre de Commerce d´Aqaba au sud de la Jordanie, le premier en son genre dans le pays, a été inauguré en octobre 2022.

Enfin, au Liban, l´installation d´une station pilote de traitement des eaux usées qui fonctionne à l´énergie solaire au siège de l'Institut de Recherche Industrielle (IRI) sur le campus de l´Université Libanaise à Hadat au sud de Beyrouth a été inauguré en juin 2023.

Traitement des eaux usées et énergie solaire : l´expérience au Liban

Afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants d´un projet comme MAIA-TAQA, le programme IEV CTF MED a interviewé le partenaire libanais, l´Institut de Recherche Industrielle (IRI). Directeur du Centre Euro-Libanais pour la Modernisation Industrielle (ELCIM) au sein de l´IRI, M. Naji Abi Zeid, et la gestionnaire en communication du projet, Mme Joelle Chebli ont pris le temps de partager leur expérience sur le projet MAIA-TAQA et de nous expliquer un peu plus la situation des énergies renouvelables au Liban.

L´utilisation de l´énergie solaire au Liban : une nécessité

Depuis 2019, le Liban essaye de survivre aux multiples crises qu´elle traverse. Rappelons la dévaluation de la livre libanaise de 98 % de sa valeur entre 2019 et 2023 et sans rentrer dans la longue liste des crises et catastrophes, nous pouvons mentionner dans ce cas précis, les coupures d´électricité à répétitions faute de carburants et à l’existence d´infrastructures vétustes entre autres. Face à la flambée des prix du brut, les Libanais n´avaient même plus de quoi alimenter les générateurs électriques gourmands en combustible, pour combler les pannes qui mettent en péril la vie des Libanais (des hôpitaux sans électricité), provoquent des ruptures de la chaine du froid qui conduit au dépérissement des aliments et évidement l´inconfort du quotidien sans électricité (pas de pression pour que l´eau arrive), mettant à l´arrêt presque tout.

Face à cette situation et grâce à la résilience des Libanais, ces derniers ont commencé à installer des panneaux solaires non pas par conscience écologique mais par pure nécessité. Sans l´avoir prévu, cela a conduit à dépasser l'objectif de 12 % de la consommation d'énergie primaire provenant d'énergies renouvelables fixé dans le plan d´action nationale libanais pour l´efficience énergétique pour la période 2016-2020 selon M. Abi Zeid.

Comme le résume très bien M. Abi Zeid, soit on reste dans le noir, soit on se tourne vers l´énergie solaire. Mme Chebli renchérit en démontrant comment ce problème s´est transformé en opportunité et permet d´augmenter la part de l´énergie solaire dans l´approvisionnement en énergie. Cela étant dit, il reste à règlementer l´installation parfois chaotique de ses panneaux solaires sur les toits des immeubles.

« Soit on reste dans le noir, soit on se tourne vers l´énergie solaire » 

 

Certes les panneaux solaires résolvent partiellement le problème de l´énergie mais celle-ci ne pourra pas couvrir au-delà de 30 à 40 % de la demande énergétique. D´autres sources d´énergie sont à l´étude comme l´énergie éolienne mais ce n´est pas tout à fait concluant pour le moment (manque de surface disponible, nuisance sonore pour le voisinage pour citer quelques contraintes).

Pourquoi la station pilote de traitement des eaux usées de MAIA-TAQA est innovante au Liban ?

Tout d´abord, cette station de traitement des eaux usées fonctionne entièrement à l´énergie solaire, ce qui est une nouveauté au Liban. Mais ce qui est également innovant c´est que cette expérimentation a pu être réalisée dans le cadre d´une initiative publique. Cette station permet d´arroser les jardins et les espaces verts autour des bâtiments de l’IRI au sein du campus de l´Université Libanaise.

Dans un pays où la majorité des personnes se tournent vers le secteur privé pour résoudre leurs problèmes structurels, pouvoir mettre en place une solution à un problème de traitement des eaux par des entités publiques représentait un vrai défi. Une fois relevé, le but de l´équipe de l´ELCIM est de maintenir le fonctionnement de cette station au-delà du financement du projet ce qui est en principe prévu et garanti par le propre Centre. De plus, l´ELCIM prévoit d´étendre la surface couverte par l’arrosage à une superficie de 2500 mètres carrés (actuellement elle couvre 700 mètres carrés). Enfin, l´objectif ultime est de répliquer cette station dans d´autres points du pays.

Quels sont les principaux freins pour répliquer la station pilote ?

Même si cette expérience pilote démontre sa faisabilité à travers une réduction des coûts en eau pour l´irrigation, en électricité pour faire fonctionner la station et a un impact positif sur l´environnement, les investisseurs sont réticents.

Traiter les eaux usées est un thème sensible, et encore plus depuis qu´une épidémie de choléra s´est déclenchée à Akkar, au nord du pays en octobre 2022 qui n´a fait qu´aggraver le problème sanitaire et l´accès à l´eau propre. Pour investir dans ce secteur, il y a un manque de financement initial, pas assez de régulations gouvernementales en la matière, et une absence de sensibilisation aux enjeux environnementaux.

Le souci sanitaire devrait inciter la mise en place de stations de traitement d´eaux usées mais ce sont surtout les enjeux liés aux priorités économiques du pays qui prennent le dessus.

Bref, s´aventurer sur un tel terrain n’est pas aisé dans la conjoncture économique et sociale actuelle au Liban. Enfin, cela dépend également du secteur industriel dans lequel l´investisseur est prêt à se lancer. Des secteurs tels que celui des produits laitiers représentent un risque sanitaire plus important dans l’application prioritaire des normes et le suivi de la qualité de production, même si la mise en place d’une station de traitement des eaux usées est cruciale dans ce genre d’industrie.  

MAIA-TAQA : bien plus que des expériences pilotes en énergie renouvelables

Ce projet ne se résume pas aux 3 expériences pilotes mentionnées ci-dessus. En parallèle à la mise en place de ces pilotes, il y a toute une partie de renforcement des capacités qui a été réalisée. Au Liban, environ 60 personnes ont été formées dans le secteur des énergies renouvelables (essentiellement des ingénieurs et des PME), 2 formateurs ont été certifiés et ont à leur tour dispensé des formations. 3 PMEs ont bénéficié de coupons pour des services d´innovation d´une valeur de 20 000 euros par coupon à travers d´un Guichet Unique d´Innovation (Innovation One Stop Shop – IOSS). Des résultats similaires ont été atteints en Egypte et en Jordanie.

Des évènements de mise en relation entre des entreprises du secteur des énergies renouvelables de plusieurs pays méditerranéens ont été organisés ce qui a permis de connecter ces entreprises et de signer des accords de collaboration pour l´échange d´expertise et de savoir-faire.

Enfin, ce qui fait de MAIA TAQA un projet réussi est surtout le dynamisme et la bonne entente entre les partenaires. M. Naji Abi Zeid et Mme Chebli se sont appropriés le projet qui s´est converti en une mission qui dépasse les ambitions dudit projet. Le Programme IEV CTF MED tient à les remercier et leur souhaite bonne chance pour continuer à construire et renforcer les capacités des nouvelles générations dans cette région du monde qui regorge de potentiels.

« Le projet se termine mais la mission continue »